La CGT cheminots de Saintes a réuni associations et responsables politiques (le vendredi 7 février), pour débattre d’une question cruciale : l’ouverture à la concurrence et l’avenir des petites lignes. Invité, j’ai eu le plaisir de participer à ces échanges et l’espoir que les gens prennent conscience que nous devons nous battre contre cette illusion libérale qui prétend offrir « plus de choix » alors qu’en réalité, elle détruit le service public.
L’ouverture à la concurrence du TER de la région Nouvelle Aquitaine est effective depuis le 12 juin 2023.
Et les premiers résultats sont alarmants !
- Suppressions d’horaires et d’arrêts
Sur les lignes TER d’Angoulême-Poitiers, les horaires très matinaux permettaient aux travailleurs et aux lycéens-étudiants d’utiliser le transport public de manière indépendante et écologique. Mais pas assez fréquentés pour Transdev, donc pas assez rentables, ces lignes du matin sont annulées. Pareil pour les petites gares, ralentissant la ligne, et demandant une ouverture de gare pour un public pas assez intéressant.
- Déshumanisation des gares et des trains
Bornes automatiques, réservations en ligne, validation des tickets robotisées… Dans les gares, avoir un ou une guichetière est de plus en plus rare. Pour les personnes non-valides, âgées, ou ne parlant pas français, c’est un vrai handicap quant à l’utilisation des transports en commun. Informations changeantes, travaux sur la voie, agressions, problèmes liés à la météo… les usagers doivent pouvoir trouver un interlocuteur dans les gares et dans leurs trains ! La présence humaine est d’une importance capitale et indispensable que ce soit en termes de sûreté comme en termes de sécurité.
- Services dégradés : annulations et retards à répétition
Aujourd’hui, la qualité de service n’est pas au rendez-vous. Il n’y a pas une semaine sans qu’un train soit supprimé, il est où le service public ?
Qui en paye le prix ? Les usagers. Mais ce n’est ni la faute des cheminots ni celle du service public. C’est une conséquence directe des choix politiques de l’État et des régions.
Les régions, notamment depuis la Loi d’orientation des mobilités, ont une grande responsabilité dans l’organisation de leur transport, mais ils ne peuvent pas tout faire ! Il faut convoquer l’Etat ! Il doit jouer son rôle pour retrouver le maillage du territoire et réindustrialiser notre pays. Nous avons de l’argent public, il suffit juste de le mettre au bon endroit et d’arrêter de le gaspiller dans des exonérations fiscales qui n’ont ni queue ni tête. Le train est un transport public et il faut investir dedans. Ne rien faire sera bien plus coûteux.
Ouverture à la concurrence, un vrai retour en arrière
L’idéologie libérale appliquée au rail est un échec patent !
- Royaume-Uni
Pourtant chantre du libéralisme, avec une privatisation lancée en 1994, et après des décennies de chaos ferroviaire, le pays renationalise progressivement son rail. La privatisation des rail a causé des accidents très graves dans les gares anglaises, dus à un manque de maintenance, et dès 2002 les voies ferrées sont repassées sous le contrôle de l’Etat. La privatisation des lignes a quant à elle fait exploser les prix des billets de trains, et rendu la réservation très compliquée : il faut utiliser différentes entreprises pour acheter les billets de train. Progressivement l’Etat rachète son service public des transports.
- Norvège
Ouvertes à la concurrence depuis 2019, les lignes ferroviaires norvégiennes redeviennent progressivement publiques. Cette privatisation a fragmenté le système, créé des problèmes de coordination, et n’a pas amélioré de manière significative la qualité du service pour les usagers. De plus, l’exploitation privée des lignes a entraîné des coupes dans certains services jugés non rentables et a complexifié la gestion des infrastructures ferroviaires, qui demeurent, elles, publiques !
- Allemagne
Le taux de ponctualité des trains s’effondre à 60 %, et pousse le pays à réinterroger son modèle. Après la faillite d’Abellio GmbH, leader des opérateurs du marché ferroviaire allemand, les autorités allemandes vont devoir reprendre en urgence les services ferroviaires abandonnés et dépenser des centaines de millions pour en assurer l’exploitation : 380 millions € rien qu’en Rhénanie-du-Nord–Westphalie. L’entreprise, qui envisage d’arrêter l’ensemble de ses services en Allemagne fait pression sur l’Etat pour obtenir une aide financière. « Privatiser les gains et nationaliser les pertes, la recette est connue. »
- Belgique
Après des années de luttes, le transport ferroviaire de passagers restera public et sans ouverture à la concurrence pour les dix prochaines années. C’est une victoire importante pour les cheminots et les usagers.
- Et en France ?
En région PACA, première à ouvrir à la concurrence, c’est la débâcle : manque de rames et de personnel, défaillances de l’opérateur privé. Mais ce n’est pas grave, comme d’habitude, le service public compense… ou bien Transdev paiera des amendes. Sauf que les amendes ne font pas rouler les trains, et une fois de plus ce seront les usagers les grands perdants.
Le train, une nécessité écologique et sociale
32 % des émissions de gaz à effet de serre viennent du transport. La route en représente 94 %, contre seulement 0,3 % pour le train. Moins de trains, c’est moins de mobilité pour les usagers, plus d’isolement des territoires. Pas de mobilité au service des usagers, c’est assurément l’exclusion et l’isolement des territoires en plus d’être une catastrophe écologique. A plusieurs reprises, que ce soit les cheminots, les élus et les usagers, ils ont tous demandé le respect du financement avancé par l’Etat, avec Madame Borne. Il est urgent que ce soit le cas. Il y a aujourd’hui un vrai manque de volonté et de courage politique. Les premiers ministres ne peuvent pas repartir avec leurs promesses !
Étrangler le rail, c’est empêcher une réindustrialisation écologique et structurante pour notre pays.
L’urgence : un véritable choix démocratique !
L’ouverture à la concurrence devrait être un choix collectif, soumis à référendum. Des décisions aussi stratégique et structurante doivent être soumises au peuple. Il est urgent de remettre l’État face à ses responsabilités et d’exiger :
- Un investissement massif dans le rail public.
- Un réseau ferroviaire accessible, fiable et écologique.
- Un service public fort, avec des cheminots en nombre et un État stratège.
Il est temps d’agir. Plus que jamais, interpellons nos élus, mobilisons-nous et construisons la riposte.






