La grève, le 49.3 des travailleurs !

D’ici quelques heures débutera une semaine noire dans le transport ferroviaire.

Plusieurs corps de métiers appellent à la grève à partir d’aujourd’hui, lundi 5 mai. Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte de profonde mutation de l’entreprise où la notion de service public disparait complètement, laissant place au tout business et à l’ouverture à la concurrence, balayant de fait les conditions de travail des salariés mais aussi la question centrale de la répartition des bénéfices générés.

Dès l’annonce de cette grève, alors que le temps était à la négociation, nous avons pu assister à un emballement médiatique ou plutôt, à une offensive médiatique d’une rare violence. Les cheminots ont eu le droit à un traitement médiatique odieux les faisant passer pour des enfants gâtés capricieux et prenant en « otage » les usagers du train.

Déjà, rappelons un élément de base mais que parfois on a tendance à oublier : dans un conflit, on est deux ! Ensuite, la grève est toujours un échec puisque malgré l’annonce du conflit aucun compromis n’a pu être trouvé. Pour finir, la grève est un sacrifice financier conséquent pour les salariés, qui pèse dans les familles cheminotes. Mais parfois, la situation l’oblige et c’est le cas aujourd’hui.

Les revendications sont parfaitement légitimes !

Premier point de crispation, la question de la commande des agents. ⤵️

Depuis maintenant plusieurs années, la direction a décidé de supprimer du personnel à tour de bras et notamment pour ce qu’ils appellent les fonctions transverses. Résultat : l’humain a été remplacé dans de nombreuses situations par des logiciels, notamment pour ce qui est de la gestion du personnel, autrement dit de la commande des agents. Ces logiciels, qui ne savent pas gérer l’humain, amènent à des modifications de commande quasi quotidiennes qui se passent au dernier moment, dégradant très fortement les conditions de travail et surtout la vie personnelle des agents. Du jour au lendemain vos horaires sont modifiés, vous ne finissez pas au même endroit que prévu, ni à la même heure…etc. Une véritable catastrophe pour l’ensemble des effectifs, dont l’entreprise n’en a que faire malgré des alertes récurrentes et des tests qui se sont avérés tout sauf conclusif. Mais comme d’habitude, les dirigeants s’en lavent les mains, et ont voulu passer en force. Ce qui devait arriver, arriva. Les agents en ont ras le bol et sont aujourd’hui vent debout contre cette façon ignoble de gérer les plannings, et ils ont bien raison !

Deuxième point de crispation, la question de la rémunération pour le personnel dit « roulant ». ⤵️

Les personnels « roulant » comprennent contrôleurs et agents de conduite, et ont une rémunération basée pour plus de 30% et même quasiment 50% pour les agents de conduite d’éléments variables de solde. Ces éléments variables, comme son nom l’indique, varient énormément d’un mois à l’autre et sont assujettis au nombre de kilomètres effectués, au type de train affecté, au nombre de jours travaillés, etc. Ces agents demandent à ce que ces primes soient refondées et révisées. Cela fait des années que ce système perdure alors qu’il est ultra-complexe pour pas grand chose, et est devenu aujourd’hui totalement obsolète et dépassé.

Et enfin troisième point, la question de la rémunération. ⤵️

La SNCF a dégagé plus d’1,6 milliards de bénéfices en 2024 et il est normal que les cheminots, qui en sont les premiers bâtisseurs puissent en avoir une part. Cela est d’autant plus légitime que, contrairement aux éléments de langage qui nous sont assénés dans les médias, jamais depuis 3 ans les cheminots ont eu une augmentation de salaire de 17% et pire, durant 8 ans auparavant les cheminots ont eu leur salaire gelé ! Les cheminots sont plusieurs à avoir démontré, fiche de paie à l’appui, que les augmentations de salaires annoncées par les médias étaient fausses et que la direction mentait ouvertement. Le but de l’annonce de ce chiffre fantasque est clairement de décrédibiliser au maximum les revendications des cheminots puisque nous sommes clairement bien plus proches des 8% que des 17%. Lamentable.

Pour justifier le refus de toute augmentation de salaire, on entend régulièrement que la SNCF coûterait cher et donc que, dans ce contexte, revendiquer une hausse de la rémunération serait un scandale absolu… mais de quoi parle-t-on exactement quand on parle de coût ?

Certains avancent un chiffre de 20 milliards de subvention. Ce chiffre est, premièrement dérisoire par rapport aux aides des autres pays européens en plus d’être encore plus dérisoire par rapport aux subventions versées à la route : 120 milliards ! Il n’y a aucun réseau ferroviaire dans le monde qui est en capacité de s’autofinancer et il faudra donc toujours des subventions ou … des prix toujours plus élevés !

Graphique – Investissement public par habitant dans les infrastructures ferroviaires – Au niveau fédéral dans certains pays européens, en euros, 2021

Et enfin, un dernier mot sur le fantasme du coût des retraites des cheminots… 3,2 milliards d’euros sont versés pour maintenir à l’équilibre le régime de retraite des cheminots mais il y a une raison bien précise et qui n’est en rien lié au régime spécial !

Evidemment, cet argent ne va pas dans les comptes de la SNCF mais dans une caisse de prévoyance de branche dont les comptes et le statut juridique sont complètement séparés de la SNCF. Il y a aujourd’hui 110 846 cotisants pour 229 329 retraités cheminots. Cela crée un déficit démographique qui est compensé par un mécanisme reconnu et utilisé pour tous les régimes ayant ce problème.

Les gouvernements successifs qui, année après année, ont réduit le nombre d’emplois à la SNCF, faisant beaucoup moins d’actifs que de retraités sont donc pleinement responsables de ce déséquilibre.  Enfin, les cheminots au statut surcotisent afin de se payer ce fameux « régime spécial » ! C’est 47,67% de cotisations retraite pour les cheminot-e-s au statut au lieu des 28% du régime général.

L’état ne débourse donc pas un euro pour financer le régime spécial des cheminots.

Le déficit des 3,2 milliards du régime des cheminots se retrouverait immédiatement sur le régime général s’il venait à basculer sur celui-ci mais cela serait beaucoup moins populaire de l’admettre…  Nos chers experts et autres ronds de cuirs des plateaux TV préférant mentir, calomnier et faire croire que les cheminots seraient des privilégiés afin de mieux briser les salariés qui résistent et qui demandent juste leur dû alors que la réalité est bien plus terne et bien moins glorieuse.

La semaine noire dans les transports n’est donc en rien un caprice mais bel et bien un combat digne et juste. VIVE LA GRÈVE !