Depuis plusieurs années, le capitalisme tel que nous le connaissions vacille. Sa forme traditionnelle n’assure plus les rendements attendus par les grandes puissances économiques et les multinationales.
Pour continuer à engranger des profits, le système doit muter. Cette mutation s’incarne désormais dans un virage brutal : le capitalisme se fait impérialiste, autoritaire, nationaliste. Et comme toujours, ce sont les peuples, les classes populaires, qui paieront les pots cassés.
Avec l’instauration de nouveaux droits de douane à hauteur de 20 % pour l’Europe, 34 % pour la Chine, et jusqu’à 49 % pour… Saint-Pierre-et-Miquelon (!), Donald Trump a brisé le dogme du libre-échange mondialisé. Ce changement radical remet en cause l’idéologie dominante des dernières décennies : celle de la « concurrence libre et non faussée » et de la régulation par la fameuse main invisible du marché.
Derrière cette posture économique, Trump poursuit une stratégie claire : recentrer la production sur le sol américain, rétablir un certain patriotisme industriel, faire pression sur les partenaires économiques, et surtout, baisser les taux d’intérêt pour réduire la dette des États-Unis tout en s’offrant une capacité d’emprunt décuplée. Résultat : les marchés sont plongés dans l’incertitude, les bourses dégringolent, et le chaos profite à la Maison Blanche, qui entend bien reprendre la main sur l’hégémonie économique mondiale.
Une riposte nécessaire, mais pas n’importe laquelle
Face à cette offensive, l’Europe ne peut se contenter d’un alignement passif. Il faut riposter — à court terme, pour protéger nos industries, mais surtout à long terme, pour repenser notre modèle économique et rompre avec la dépendance aux géants commerciaux.
C’est une opportunité historique de revoir nos modes de production, notre rapport à l’échange, et de reconstruire une autonomie industrielle et alimentaire réelle. Mais cette riposte doit être coordonnée à l’échelle européenne, sans quoi elle ne fera qu’ajouter de la confusion au chaos ambiant.
Ce qui est inacceptable, en revanche, c’est de répondre aux droits de douane par plus de traités de libre-échange. CETA, TAFTA, MERCOSUR… ces accords sont les outils mêmes de notre fragilité actuelle. Il est hors de question de tomber dans le piège de la fuite en avant, en livrant nos marchés à des produits qui ne respectent ni nos normes sociales ni nos standards sanitaires.
Cibler les véritables puissances : GAFAM, multinationales, paradis fiscaux
Si riposte il doit y avoir, elle doit viser les véritables bénéficiaires de ce système faussé : les multinationales, et en particulier les GAFAM, qui échappent à toute fiscalité digne de ce nom. Ces entreprises doivent être mises à contribution, à travers une taxation juste, efficace, et ciblée.
Mais cette guerre commerciale ne se gagne pas seuls contre tous. De nombreux pays vont eux aussi subir les conséquences de cette politique américaine agressive. Certains s’en détourneront. À nous de construire avec eux un autre modèle de coopération, fondé non sur la compétition, mais sur la solidarité, la souveraineté et le développement partagé.
Relocaliser, planifier, investir
La crise du COVID-19 avait déjà révélé notre dépendance et notre incapacité à produire ce dont nous avons besoin. Rien n’a changé depuis. Il est urgent de soutenir les entreprises menacées, avec des conditions claires d’accès aux aides publiques : relocalisation, emplois de qualité, respect de l’environnement. Ce soutien ne doit pas être un chèque en blanc.
L’État doit faire preuve de fermeté, mais surtout de vision. Et pour l’heure, ce n’est pas ce qu’on entend. Les dernières déclarations d’Ursula von der Leyen annonçant de nouveaux traités de libre-échange vont précisément dans le sens inverse de ce que la situation exige.
Nous sommes à un tournant. À nous de choisir : subir une mutation impérialiste du capitalisme, ou saisir cette crise pour construire un autre chemin, fondé sur la souveraineté, la coopération, la justice sociale, et le respect des droits des travailleurs.